Projet de thèse

Direction : Olivier Darrigol (historien de la physique, directeur de recherche au CNRS)
Co-direction : Alain Aspect (physicien, professeur à l’Institut d’Optique), prix Nobel de Physique 2022
Laboratoire : SPHERE (Sociologie, Philosophie, Histoire des sciences), axe histoire et philosophie des sciences de la nature

L’optique quantique est la branche de la physique qui décrit la lumière et ses interactions avec la matière à l’aide de la théorie quantique. Sa genèse, au début des années 1960, marque une période cruciale et pourtant méconnue de l’histoire de la lumière. Jusqu’alors, celle-ci était envisagée tantôt de façon ondulatoire, tantôt de façon corpusculaire. Au XIXe siècle, Thomas Young, Augustin Fresnel et plus tard James Clerk Maxwell établirent la théorie ondulatoire de la lumière, dite classique. A l’orée du XXe siècle, Albert Einstein proposa une conception corpusculaire de la lumière, dite quantique, introduisant en physique l’idée de « quantum de lumière » plus tard nommé « photon ».

Cependant, cette conception ne s’imposa pas dans le champ de l’optique traditionnelle, si bien que les physiciens qui œuvraient dans ce domaine dans les années 1950 s’en tenaient à une vision ondulatoire de la lumière, très efficace pour décrire les phénomènes d’optique. Ce fut le cas de Max Born et Emil Wolf, qui publièrent en 1959 un ouvrage de référence en optique classique intitulé Principles of Optics.

C’est alors que deux événements importants se produisirent : les expériences menées en Angleterre par les physiciens Robert Hanbury Brown et Richard Twiss, ainsi que l’invention du laser. En cherchant à expliquer ces deux phénomènes sous un angle quantique, le physicien américain Roy Glauber établit en 1963 une nouvelle théorie quantique de la lumière (plus exactement, de la notion de cohérence) qui dépassait la dualité onde-corpuscule. Cette théorie proposait un tout nouveau regard sur la lumière. Tout le monde cependant n’accepta pas cette révolution conceptuelle, ce qui entraîna des débats pendant de nombreuses années.

C’est cet épisode de l’histoire de la physique, qui changea les pratiques de l’optique et qui demeure cependant très peu exploré, que je me propose d’étudier. Par exemple, les travaux des physiciens français qui se sont illustrés en optique quantique dans les années 1960 – 1980 à Paris et à Orsay, comme Claude Cohen-Tannoudji, Alain Aspect et Philippe Grangier, n’ont jamais vraiment fait l’objet d’une analyse historique systématique. Deux historiens se sont certes penchés sur cette période : Joan Lisa Bromberg, qui a orienté ses recherches sur le laser en Amérique, et Olival Freire, qui s’est intéressé aux controverses autour du concept de photon et autour des expériences d’optique quantique concernant les inégalités de Bell. Mais dans ces travaux, l’optique quantique demeure un sujet annexe. Il reste donc à aborder de front l’histoire de ce champ de recherches, qui soulève de multiples paradoxes intéressants pour l’historien. L’optique quantique mérite d’autant plus d’être traitée comme un thème d’étude à part entière qu’elle a de nos jours une importance considérable : en effet, toutes les recherches actuelles sur la cryptographie quantique, l’ordinateur quantique, ou plus généralement l’information quantique, prennent leur source dans les réflexions sur la lumière inaugurées dans les années 1960.

L’objectif est donc de retracer le développement de l’optique quantique des années 1960 aux années 1980 en l’inscrivant dans un contexte expérimental, institutionnel, économique et politique, donnant ainsi au sujet une cohérence globale.

Voir ici le projet de thèse complet.